Il y a, sur les quais du Barcarès, une lumière particulière qui change au fil des heures et des saisons. J’aime m’y attarder, surtout en juin ou en septembre, quand la foule estivale s’est évanouie, laissant place à une animation plus discrète, presque confidentielle. Ces mois-là, le port respire. Les pêcheurs rentrent avec leurs prises, les filets encore humides étalés sur les dalles, les caisses de poisson brillantes sous le soleil matinal. L’air est chargé d’iode et de sel, mêlé parfois à l’odeur âcre du gas-oil des moteurs qui refroidissent. Tout est plus lent, plus authentique.
Je m’arrête souvent pour observer les bateaux amarrés, ces coques usées par les embruns, ces cordages enroulés en désordre, ces bouées éraflées qui racontent des histoires de mer. Le matériel entassé sur le quai comme casiers, nasses, bidons, et vieilles vestes cirées qui forme un paysage à part. Voila, tout un désordre organisé qui parle de labeur et de patience. Parfois, un vieux filet abandonné traîne, et j’imagine les mains qui l’ont réparé, les doigts agiles nouant les mailles, année après année.
En septembre, surtout, le port semble suspendu entre deux temps. Les derniers estivants pressés ont quitté les lieux, mais l’automne n’a pas encore imposé sa mélancolie. C’est une saison de transition, où la lumière rasante du soir allonge les ombres et semble aussi dorer les façades des maisons. Je m’assois parfois sur un banc, face à cette immense étendue d'eau, et j'observe tout en rêvant les multiples reflets qui paraissent danser sur l’eau. Les couleurs sont plus douces, les bruits plus feutrés. On entend le clapotis des vagues contre les coques, le grincement d’un anneau de fer rouillé, le rire d’un enfant qui court après une mouette qui ne se laissera pas attraper car pour elle la liberté n'a pas de frontière.
Je me souviens de ces matins où, enfant, j’accompagnais ma mère chez l’amie de la ferme laitière situé dans ce coin d'Occitanie où cette belle langue a charmé mes oreilles . Aujourd’hui, c’est vers le port que mes pas me mènent, comme une autre forme de rituel. Les pêcheurs, occupés à leurs tâches, échangent quelques mots en catalan, une langue cousine qui me ramène à mon enfance, à ces vacances dans le Camarès où les mots sonnaient différemment. Leurs voix se mêlent au cliquetis des mâts, au cri des mouettes, au frottement des coques contre les pneus usagés qui protègent les quais.
Ces balades sont aussi l’occasion de photographier ces instants éphémères, comme un filet usagé qui sèche au vent, un vieux bateau aux couleurs passées, une porte de hangar entrouverte sur un mystère. Chaque image est une trace, un témoignage de ce qui disparaîtra bientôt, emporté par le sablier du temps qui s'écoule inexorablement ou par les tempêtes qui se sont inscrites dans la mémoire des pêcheurs et qui s'effaceront lentement. Comme ces fermes laitières d’autrefois, comme ces mots en occitan que plus personne ne parle, le port garde en lui la mémoire d’un monde qui change et se transforme.
Et puis, il y a cette sensation de liberté, presque de complicité avec les éléments. Le vent dans les cheveux, le sel sur les lèvres, le sable fin qui crisse sous les semelles… C’est un bonheur simple, celui de se sentir vivant, de faire partie, l’espace d’un instant, de ce ballet quotidien où l’homme et la mer se répondent. Je repense alors à ce que me disait mon père : « Choisis un métier qui te rendra heureux ». Peut-être est-ce pour cela que je reviens sans cesse vers ces quais — parce qu’ils me rappellent que le bonheur se niche souvent dans ces petits riens, dans l’observation patiente du monde qui nous entoure.
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1 commentaire:
Des superbes photos pour cet article sur le port . Bonne journée . Amitiés
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